Chez les souris mâles, la consommation d’alcool dans les semaines qui précèdent la conception affecterait la transcription de gènes importants pour le développement du fœtus
La prévention des troubles liés à l’alcoolisation fœtale a toujours été considérée comme l’affaire des mères, mais de plus en plus de recherches suggèrent que les pères ont, eux aussi, une responsabilité en la matière. Une nouvelle étude, publiée dans Scientific Reports par une équipe de l’A&M University, au Texas, et de l’Université Laval, appuie cette idée.
Ces chercheurs ont démontré que, chez des souris mâles qui avaient consommé régulièrement de l’alcool pendant les semaines précédant la reproduction, certaines protéines, associées au matériel génétique des spermatozoïdes, se présentaient sous une forme biochimique modifiée qui affectait la transcription de gènes importants pour le développement du fœtus.
Les chercheurs en ont fait la démonstration en offrant à des souris mâles, à raison de 4 heures par jour pendant 70 jours, une solution contenant 10% d’éthanol. «Ce protocole expérimental, qui simule une situation de binge drinking, équivaut à prendre cinq consommations en deux heures chaque jour», précise l’un des auteurs de l’étude, Claude Robert, professeur au Département des sciences animales et chercheur au Centre de recherche en reproduction, développement et santé intergénérationnelle de l’Université Laval.
Les analyses ont montré que des protéines – des histones –, qui se fixent à certaines régions du génome et modulent la transcription des gènes qui s’y trouvent, se présentaient sous une forme différente dans les spermatozoïdes des mâles exposés à l’alcool. «Parmi les régions touchées se trouvent celles qui interviennent dans le développement des neurones et dans la conformation craniofaciale des souris. Chez l’humain, l’exposition prénatale à l’alcool a justement des effets néfastes sur le développement cognitif et sur certains traits du visage, précise le professeur Robert. Cela suggère que notre modèle animal reproduit ce qui est observé chez l’humain.»
En croisant des mâles exposés à l’alcool avec des femelles qui n’en avaient jamais consommé, les chercheurs ont constaté que la transcription des mêmes gènes était affectée dans le placenta. «Il suffit que les mâles aient été exposés à l’alcool pour que le développement fœtal soit perturbé», constate le chercheur.
« Dans un processus de planification familiale, ce serait une bonne pratique que les hommes limitent leur consommation d’alcool pendant les deux mois qui précèdent la conception. »
— Claude Robert
Même s’il reste à prouver que les mêmes mécanismes existent chez l’humain, le professeur Robert estime que ces résultats invitent à la prudence. «On a longtemps cru que la réinitialisation du génome qui survient après la fécondation de l’ovule faisait en sorte que la contribution du père se limitait à fournir sa part de l’ADN. Conséquemment, on croyait que tout le développement fœtal dépendait entièrement de l’environnement maternel. De plus en plus d’études, dont la nôtre, montrent que les habitudes de vie des pères ont une influence sur le développement fœtal.»
Les personnes qui projettent d’avoir un enfant devraient tenir compte du fait que la spermatogenèse s’étale sur un peu plus de deux mois, suggère-t-il. «Ce qui se passe pendant cette période peut affecter les spermatozoïdes. Dans un processus de planification familiale, ce serait une bonne pratique que les hommes limitent leur consommation d’alcool pendant les deux mois qui précèdent la conception.»