La rubrique d’Olivier Maurel, président de l’Observatoire de la violence ordinaire, membre fondateur des Parents d’Amour.

Du nouveau à propos de la loi d’interdiction des punitions corporelles.

Un nouvel élément est intervenu cette année dans la longue marche vers l’interdiction des punitions corporelles en France : la plainte (1) déposée contre la France par l’ONG Approach, le 4 février 2013, auprès du Conseil européen des droits sociaux pour non-respect de l’article 17 de la Charte sociale européenne qui oblige les Etats à “protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation”.

Le ministère des Affaires étrangères s’est vu dans l’obligation de répondre à cette plainte(2), mais il a commencé par contester sa recevabilité. D’après lui, du moment qu’il avait déjà été recommandé plusieurs fois à la France, en 2003, 2005 et 2011, de se doter d’une loi d’interdiction et qu’elle avait répondu avoir fait à son avis tout le nécessaire, la plainte d’Approach ne devait pas être considérée comme recevable car, toujours d’après lui, elle n’apportait aucun élément nouveau. Mais, dans sa réponse datée du 2 juillet 2013, sur la recevabilité de cette plainte, le Comité européen des droits en a jugé autrement et a considéré que la plainte était parfaitement recevable. Restaient alors trois mois au gouvernement français pour répondre cette fois sur le fond à la plainte d’ Approach. Cette réponse a été donnée le 27 septembre 2013, c’est-à-dire à la date limite imposée par le CEDS. Le gouvernement y affirme que « l’arsenal législatif français contient d’ores et déjà les dispositions nécessaires permettant d’interdire et de sanctionner toute forme de violence à l’égard des enfants». Et il cite les articles du code civil et du code pénal qui, d’après lui, protègent les enfants. Il cite également, concernant les établissements scolaires, la circulaire qui précise qu’à l’école maternelle, aucune sanction ne peut être infligée à un enfant et qu’à l’école élémentaire, tout châtiment corporel est interdit. De plus, il affirme que le “juge interne”, à savoir la jurisprudence, réprime la violence à l’égard des enfants “sous ses formes les plus diverses pratiquées tant dans le cercle familial que dans le milieu scolaire”. Il prétend plus loin que le même “juge interne” “fait une application particulièrement exigeante du droit applicable, de manière à assurer une protection maximale des enfants contre tout usage de la violence et de mauvais traitements, en conformité avec l’article 17 paragraphe 1b de la Charte sociale. Il note que “certaines décisions des juges du fond ont pu mentionner un droit de correction des parents ou des instituteurs” mais que “la chambre criminelle ne semble plus désormais s’y référer”. Mais il conclut en s’appuyant sur le fait que la Cour européenne des droits de l’homme considère que les atteintes aux enfants doivent revêtir un minimum de gravité. Il prétend ensuite que l’interdiction générale de tout châtiment corporel est loin de faire l’objet d’un accord unanime au sein des pays membres du Conseil de l’Europe et qu’en 2011, sur les 27 pays qui ont accepté l’article 17 de la Charte, un seul posait une interdiction générale de châtiment corporel. Le gouvernement considère donc que l’absence d’interdiction générale des châtiments corporels ne saurait constituer une violation de l’article 17 de la charte sociale révisée.

On voit donc que la plainte Approach a obligé le gouvernement à “sortir du bois” et à exposer ses arguments. Approach a maintenant jusqu’au mois de décembre 2013 pour répondre à cet exposé qui comporte de nombreuses failles, dont quelques-unes sont d’ores et déjà présentées sur le site de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (www.oveo.org).

Olivier Maurel

(1) http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/Complaints/CC92CaseDoc1_fr.pdf
(2)http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/complaints/CC92CaseDoc2_fr.pdf
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